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Engager la transition du secteur de la pêche en "déchalutisant" les flottes européennes.
Pour restaurer l’intégrité physique des habitats océaniques et l’abondance marine, il est indispensable d’interdire les engins de pêche destructeurs qui raclent les fonds marins tels que le chalut de fond ou la senne démersale. Ces techniques ont recours à des filets et des câbles tractés sur les fonds marins qui détruisent la faune et la flore marine sur de gigantesques surfaces. La flotte française de chalutiers de fond opérant dans l’Atlantique Nord-Est racle ainsi en moyenne une superficie de fonds marins estimée à 600 000 km2, soit une superficie équivalente en ordre de grandeur à celle de la France métropolitaine1. Ce faisant, ces engins de pêche remettent en suspension les sédiments marins, l’IPBES et le GIEC s’accordant à dire que, « à l’échelle mondiale, on estime que la perturbation du carbone des sédiments marins précédemment non perturbés par le chalutage libère l’équivalent de 15 à 20 % du CO2 atmosphérique absorbé annuellement par l’océan »2. Par ailleurs, les engins traînants comme le chalut et la senne sont très peu sélectifs. On estime qu’à elle seule, la technique du chalutage est responsable de 93% des rejets dans les pêches européennes3. Enfin, le chalutage consomme de grandes quantités de carburant afin de pouvoir tracter le chalut sur le fond : la capture d’un kilo de poisson pêché au chalut requiert 1 à 2 litres de gasoil et émet jusqu’à 6 ou 8 kg d’équivalent CO2, soit quatre à dix fois plus que des pêches au filet ou au casier4.
Pour mettre fin à la destruction des fonds marins et de la richesse des assemblages biologiques océaniques, et pour réduire drastiquement les émissions de CO2, il est indispensable d’engager un plan de « déchalutisation »5 exhaustif des pêches européennes à horizon 2030, en réduisant le recours au chalut de 30% en 2025, avant sa disparition progressive à horizon 2030.
BLOOM (2024) Changer de cap. Pour une transition ociale-écologique des pêches ↩
IPBES, GIEC (2021) : IPBES-IPCC co-sponsored workshop report on biodiversity and climate change ↩
Seas at risk, Oceana (2022) : Exploring alternatives to Europe’s bottom trawl fishing gears ↩
Gascuel (2019) : Pour une révolution dans la mer. De la surpêche à la résilience ↩
Gascuel (2019) : Pour une révolution dans la mer. De la surpêche à la résilience ↩
Préserver 30% de nos eaux de toute infrastructure et activité industrielle, en placer 10% sous « protection stricte »
Les panels d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (GIEC) et la biodiversité (IPBES) s’accordent tous deux sur l’urgence à développer des aires marines protégées pour faire face au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Dans son dernier rapport, le GIEC souligne ainsi que le second levier le plus efficace pour atténuer le réchauffement climatique réside dans la protection des écosystèmes naturels1.
Lors de la COP15, la communauté internationale s’est d’ailleurs engagée à protéger 30% de nos terres et de nos eaux. Cependant, aujourd’hui en Europe, les aires marines dites «protégées » subissent le passage de redoutables engins de pêche industrielle qui raclent les fonds et détruisent les écosystèmes. En Europe, 86% des aires supposément « protégées » sont intensément exploitées avec des méthodes de pêche destructrices2, et dans plus des deux tiers des aires marines protégées du nord de l’Europe, le chalutage y est 1,4 fois plus intense que dans les zones adjacentes3. Il est donc urgent de créer un réseau cohérent et efficace d’aires marines protégées en Europe pour stabiliser le climat et assurer la conservation de la biodiversité et des écosystèmes européens.
IPCC (2023) AR6 Synthesis Report. Summary for policymakers. Figure SPM.7 ↩
Perry et al. (2022) : Extensive Use of Habitat-Damaging Fishing Gears Inside Habitat-Protecting Marine Protected Areas ↩
Dureuil et al. (2018) : Elevated trawling inside protected areas undermines conservation outcomes in a global fishing hot spot ↩
Commission européenne (2022) : Commission Staff Working Document. Criteria and guidance for protected areas designations ↩
UICN (2020) : Orientations pour identifier la pêche industrielle incompatible avec les aires protégées ↩
Commission européenne (2023) : Plan d’action de l’UE : Protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente. ↩
Interdire aux bateaux de plus de 25 mètres d’opérer dans les eaux côtières
Les eaux côtières – qui sont les zones où les pêcheurs artisans réalisent leurs captures – sont des nourriceries et des habitats essentiels pour les juvéniles de nombreuses espèces. La préservation de l’intégrité physique et biologique de ces zones est donc cruciale pour maintenir un océan en bonne santé1. Par ailleurs, les petits pêcheurs ont des capacités de mobilité beaucoup plus réduites en raison de la taille de leur navire et de leurs équipements. Ainsi, là où les gros navires industriels, conçus pour pêcher au large, viennent concurrencer les petits navires dans les eaux côtières, ces derniers n’ont pas la possibilité de pêcher ailleurs et dépendent directement de la santé des écosystèmes côtiers. Cette concurrence déloyale nuit fortement à la survie de la petite pêche, très dépendante de la ressource côtière et qui est accaparée par les gros navires industriels. Actuellement, il n’existe aucune disposition légale pour protéger les pêcheurs côtiers des navires de plus de 25 mètres.
Cheminée et al. (2021) : All shallow coastal habitats matter as nurseries for Mediterranean juvenile fish ↩
Attribuer les quotas de pêche en priorité aux navires de moins de 12 mètres utilisant des arts dormants (casiers, lignes, filets etc.)
La pêche artisanale est confrontée à une crise sévère en raison de la diminution des ressources dans les eaux côtières et de la concurrence déloyale opérée par des navires industriels et des méga-chalutiers pouvant atteindre plus de 140 mètres de long et capturer jusqu’à 400 tonnes de poisson par jour. Il est donc urgent d’accorder un accès et des droits de pêche prioritaires aux petits pêcheurs qui représentent la majorité des emplois dans ce secteur et qui ont recours aux techniques de pêche les plus durables et les plus sélectives (engins dormants ou « passifs »). Une mesure conforme aux objectifs visés par l’article 17 de la Politique commune de la pêche (PCP), qui enjoint les États à intégrer des critères environnementaux et sociaux dans l’attribution des quotas. Mais depuis la dernière réforme de la PCP, seuls quelques États ont effectivement introduit ces critères, la plupart d’entre eux se fondant toujours sur le relevé des captures historiques et la taille des navires pour distribuer les quotas1.
Parlement européen (2022) Rapport sur la mise en œuvre de l’article 17 du règlement relatif à la politique commune de la pêche ↩
Mettre fin aux aides publiques soutenant des activités néfastes
Depuis les années 1990, le rôle néfaste de certaines subventions dans la surcapacité et la surpêche est clairement établi. Les flottes de pêche industrielle, les plus destructrices, sont particulièrement dépendantes de ces subventions. En juin 2022, après vingt ans de négociations, les États membres de l’OMC ont conclu un accord visant à éliminer les subventions néfastes accordées au secteur de la pêche. Fournissant 18% des subventions mondiales allouées au secteur de la pêche, l’Union européenne est la deuxième entité politique qui finance le plus le secteur de la pêche après la Chine1. À rebours de ses engagements internationaux et de sa volonté affichée d’éliminer les subventions à la pêche néfastes, l’Union européenne continue pourtant de soutenir un modèle destructeur et maintient le statu quo.
Une situation alarmante, alors que ces subventions publiques jouent un rôle clé dans le secteur et pourraient favoriser une véritable transition sociale et écologique. En France, en 2021, ces subventions publiques européennes et nationales s’élevaient à 327 millions d’euros, soit près de 30% du chiffre d’affaires du secteur de la pêche française2. Une analyse détaillée des bénéficiaires de ces aides témoigne d’un fléchage favorable à la pêche industrielle et aux méthodes de pêche destructrices : en France, en 2021, 63% de ces aides sont allées aux exonérations sur le carburant, pour une enveloppe de 206 millions d’euros qui bénéficie principalement aux pêches industrielles, plus consommatrices en carburant, moins respectueuses de l’environnement et moins pourvoyeuses d’emplois. A l’inverse, seules 11% de ces subventions recensées en 2021 sont identifiées comme des dépenses en faveur de la transition durable3.
Sumaila et al_._ (2019) : Updated estimates and analysis of global fisheries subsidies ↩
BLOOM (2024) A contre-courant. L’action publique et les enjeux de transition : synthèse des subventions publiques allouées au secteur de la pêche en France entre 2020 et 2022 ↩
BLOOM (2024) A contre-courant. L’action publique et les enjeux de transition : synthèse des subventions publiques allouées au secteur de la pêche en France entre 2020 et 2022 ↩
Interdire l’élevage d’espèces carnivores ou invasives et autoriser sur les littoraux uniquement les projets aquacoles d’algoculture et de coquillages (huîtres, moules etc.)
Depuis les années 1990, l’aquaculture est présentée comme une alternative à la pêche pour réduire les captures en mer à l’échelle mondiale. Cependant, l’aquaculture a un impact de plus en plus important sur le milieu marin, cette industrie ayant connu une croissance de 250% au cours des 25 dernières années1. De manière directe, elle est à l’origine de pollutions marines en raison des excréments qui sont rejetés ainsi que des antibiotiques et des pesticides qui sont massivement utilisés dans les parcs aquacoles. De manière indirecte, elle impacte les écosystèmes terrestres et marins par sa dépendance, pour nourrir les poissons d’élevage, au soja OGM et à la pêche minotière. Or, la pêche minotière, qui utilise de petits poissons pélagiques pour produire des farines et des huiles destinées à la pisciculture et à l’élevage intensif de porcs, de volailles et d’autres animaux terrestres, a un impact majeur sur les écosystèmes marins2 : entre 1950 et 2010, ce sont ainsi 27% des captures mondiales de poissons qui ont été réduites en farine et en huile, alors que ces poissons sont parfaitement adaptés à la consommation humaine3. De plus, 10% de la production aquacole elle-même est utilisée pour produire de la farine de poisson ou de l’huile de poisson, qui servira à nourrir d’autres fermes aquacoles4.
FAO (2022) : La situation mondiale des pêches et de l‘aquaculture. Vers une transformation bleue ↩
BLOOM (2017) : De la confiture aux cochons. L’envers du décor de l’aquaculture ↩
Cashion et al. (2017) : Most fish destined for fishmeal production are food-grade fish ↩
Ibid. ↩
Interdire la pêche utilisant des DCP (dispositifs de concentration de poisson), réformer les accords de pêche internationaux et les mécanismes permettant aux navires d’échapper aux contraintes réglementaires et fiscales
Environ 20 % des captures effectuées par les flottes de pêche de l’Union européenne sont réalisées en dehors des eaux communautaires, en partie dans le cadre d’ « accords de partenariat dans le domaine de la pêche durable » conclus avec des pays tiers1. Ces accords de pêche, mis en œuvre dans la plupart des cas avec des pays du continent africain, renforcent la pression de pêche sur des espèces d’une importance cruciale pour la sécurité alimentaire et économique des populations locales. En Afrique de l’Ouest ou dans l’ouest de l’océan Indien ces accords de pêche internationaux participent à la surpêche des poissons pélagiques et des thons, parfois par le biais de techniques de pêche destructrices, comme la pêche au thon sur DCP (dispositif de concentration de poissons). Les DCP, radeaux qui agrègent artificiellement les populations de thon et facilitent leur capture grâce à leur géolocalisation, fournissent une telle assistance technologique aux pêcheurs industriels qu’ils sont aujourd’hui à l’origine de plus de 90% des captures européennes de thon tropical2. Mais surtout, ces DCP sont responsables de la mort d’innombrables espèces marines sensibles et menacées, telles que les requins, les tortues et les raies, et capturent de nombreux thons juvéniles : dans l’océan Indien, 97% des albacores capturés sous DCP sont des juvéniles. Les DCP constituent donc un obstacle direct à la reconstitution de cette population surexploitée. En dépit des alertes des scientifiques, l’Union européenne a consacré 142 millions d’euros en 2020 au renouvellement de ces accords de pêche dits « durables »3. Par ailleurs, à cette destruction des écosystèmes s’ajoute une grande opacité dans les chaînes de valeur et accords conclus entre États et armateurs étrangers : les industries de pêche européenne possèdent de nombreux navires enregistrés sous pavillon étranger et des industries diverses de transformation et de mise en conserve du poisson en Afrique et Amérique du Sud. Enfin, destinées à assurer un flux de produits de la mer à vil prix vers le marché européen, ces entreprises n’ont que peu ou pas d’impact positif sur les économies locales, profitant souvent d’avantages fiscaux lors de leur implantation.
Parlement européen : Fiches thématiques sur l‘Union Européenne - Les relations internationales en matière de pêche ↩
BLOOM (2023) La grande distribution et le MSC alliés dans la destruction de l’océan ↩
Ibid. ↩
Garantir à la pêche artisanale une représentation équitable et proportionnelle à son importance sociale auprès des instances européennes et nationales.
Les lobbies industriels de la pêche ont acquis un poids démesuré sur la décision publique et dans la représentation politique du secteur. Cette situation est préjudiciable pour les petits pêcheurs dont les intérêts ne sont ni représentés, ni défendus. Mais elle pose également problème lorsque ces groupes d’intérêts interviennent au plus haut niveau de la décision, y compris en intégrant les délégations officielles de l’Union européenne1.
Inclure les citoyen·nes dans les prises de décision concernant les politiques maritimes, lutter contre les lobbies industriels, mettre fin à l’opacité des données et garantir à la petite pêche une représentation équitable.
Le temps politique n’est pas le temps de la nature, et encore moins d’un milieu aussi vaste, sauvage et essentiel que l’océan. Garantir la défense de l’intérêt général passe donc par une refonte totale des structures de gouvernance de l’océan à l’échelle européenne, en remettant prioritairement les citoyens et les scientifiques au cœur de la décision politique. Ceci apparaît indispensable si l’on considère que l’océan et les ressources qui s’y trouvent constituent des biens communs. Dans cette même optique, toutes les informations s’y rapportant doivent être intégralement rendues publiques et transparentes.
Stopper l’afflux de polluants dans l’océan et protéger la santé des citoyen·nes en adoptant des normes plus protectrices sur la contamination des produits de la mer, en renforçant les contrôles et en informant la population des risques.
Avec le changement climatique et la perte de biodiversité, la pollution des écosystèmes est l’un des trois fléaux de la triple crise environnementale qui frappe notre planète. La pollution chimique de l’océan est un problème environnemental majeur dont l’ampleur ne cesse de croître. Un cocktail de polluants industriels, agricoles et urbains, comprenant des métaux lourds comme le mercure, des pesticides, des plastiques, des additifs chimiques, ainsi que des polluants organiques persistants comme les PCB et les PFAS, finissent dans l’océan. Environ 80 % de ces polluants proviennent de sources terrestres, transportés vers l’océan par les rivières, le ruissellement et les précipitations atmosphériques. Les zones côtières densément peuplées, en particulier dans les pays en développement, sont les plus touchées en raison d’un manque de régulation et d’infrastructures de gestion des déchets et des eaux usées insuffisantes. La haute mer n’est néanmoins pas en reste, notamment pour certains polluants très volatils comme le mercure ou les PFAS.
Ces pollutions contaminent l’ensemble de la chaîne alimentaire marine et son impact sur les écosystèmes est considérable, en particulier dans les “hot-spots” de pollution. Elles perturbent les fonctions biologiques des organismes marins, provoquant notamment des anomalies de développement et une baisse de la fertilité, menaçant la survie de certaines espèces comme l’anguille. En consommant à notre tour les produits de la mer, nous ne sommes pas exemptés de ces impacts alarmants sur notre santé. La consommation d’espèces contaminées expose les populations à des neurotoxiques tels que le méthylmercure, augmentant les risques de troubles cognitifs et de maladies cardiovasculaires. D’autres polluants chimiques persistants comme les PCB ou les PFAS perturbent également les systèmes endocriniens, immunitaires et reproductifs, augmentant ainsi le risque de cancers, d’infertilité et de maladies métaboliques. Les populations vulnérables, notamment les femmes enceintes ou les enfants, subissent de manière disproportionnée ces impacts sanitaires, accentuant les inégalités environnementales et sociales.
Interdire aux entreprises européennes de participer au développement de nouveaux projets fossiles (charbon, pétrole, gaz)
En 2021, l’Agence internationale de l’énergie a publié sa feuille de route « Net Zero by 2050 » afin de déterminer une trajectoire carbone qui permette de limiter le réchauffement à 1,5°C, et conclut « qu’aucun champ gazier et pétrolier nouveau n’est nécessaire au-delà de ceux déjà approuvés »1. Mais, en dépit de ces recommandations internationales et du consensus scientifique porté par le GIEC, les entreprises européennes sont loin d’avoir coupé les ponts avec l’industrie fossile. À l’heure actuelle, la consommation de pétrole ne diminue pas assez vite : quand bien même les États membres atteindraient leurs objectifs, la demande de pétrole n’aura diminué que de 16% en 20302 et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre seront largement insuffisantes3. Simultanément, les banques européennes continuent de soutenir l’expansion fossile et ont fourni plus de 1 300 milliards de dollars aux énergies fossiles depuis l’Accord de Paris, et 30 milliards de dollars aux 100 principaux développeurs d’énergies fossiles rien qu’en 20224.
Agence internationale de l‘énergie (2021) : Net zero by 2050 - A Roadmap for the global energy sector ↩
Transport & Environment (2023) : New oil map: EU replaces Russian oil barrel for barrel as continent fails to cut demand ↩
Commission européenne : Progress made in cutting emissions figure 1 ↩
Reclaim Finance (2023) : Les banques européennes parmi les principaux moteurs de l’expansion fossile ↩
Interdire les projets éoliens dans les aires marines protégées et sur des écosystèmes vulnérables, favoriser des implantations éloignées des côtes pour préserver la pêche artisanale et modifier la répartition de la taxe éolienne
En mars 2023, l’Union européenne s’est fixée l’objectif de porter à 42,5% la part d’énergies renouvelables à horizon 20301, ce qui nécessite une augmentation considérable de la capacité éolienne installée. En effet, alors que l’Union européenne compte aujourd’hui un peu plus de 204 GW de puissance éolienne installée, elle vise une capacité éolienne installée de plus de 500 GW en 20302. Si le déploiement de l’éolien en mer semble nécessaire pour atteindre ces objectifs climatiques et énergétiques, celui-ci ne doit pas pour autant se faire au détriment de la protection des écosystèmes océaniques. En effet, dans son rapport de mars 2023, le GIEC soulignait que le second levier le plus efficace pour atténuer le réchauffement climatique résidait dans « la conservation des écosystèmes naturels, la séquestration du carbone et la restauration des écosystèmes »3. Un constat témoignant de l’importance vitale à ne pas dissocier développement des énergies renouvelables et protection des écosystèmes dans le cadre d’une politique de transition énergétique visant l’efficacité, la sobriété et la décarbonation.
Parlement européen (2023) : Fiches thématiques sur l’Union européenne, Énergies renouvelables ↩
Commission européenne (2023) : La Commission définit des mesures immédiates pour soutenir l’industrie éolienne européenne ↩
GIEC (2023) AR6 Synthesis report. Climate change 2023. Summary for policymakers. Figure 7. ↩
Garantir une réduction des impacts environnementaux des produit en plastique sur l’ensemble de leur cycle de vie en prévenant leur abandon, perte et rejet en mer
L’océan étouffe sous une marée de plastique : la quantité de déchets plastiques dispersés dans ses eaux aujourd’hui est estimée à près de 200 millions de tonnes. Entre 9 et 23 millions de tonnes s’y ajoutent chaque année et ce chiffre pourrait atteindre 53 millions de tonnes par an en 2040 si des mesures fortes ne sont pas prises pour contrer ce phénomène1. Échoués sur les plages et les récifs coralliens, flottant à la surface, coulant dans les fonds marins ou dégradés en microplastiques, ces déchets constituent une menace pour la santé de l’océan et du vivant. 80 % des déchets proviennent des terres et sont transportés jusqu’à l’océan notamment par les cours d’eau. Une action ambitieuse à terre visant à réduire la production de plastique est fondamentale. Par ailleurs, les origines des déchets plastiques rejetés dans l’océan sont diverses, mais le secteur de la pêche joue un rôle important : 10% de ces débris seraient issus des engins de pêche perdus ou abandonnés2. Outre la létalité de ces engins et « filets fantômes » sur les animaux marins, ces débris se retrouvent aussi sous forme de microplastiques et contribuent donc à la pollution des écosystèmes.
Engager un plan européen ambitieux pour minimiser la création de déchets plastiques, favorisant la commercialisation de produits réutilisables et réparables, prenant ainsi en considération l’ensemble de leur cycle de vie.
Étendre l’interdiction de vente à tous les produits en plastique jetables, qui ne s’applique actuellement qu’à certains produits tels que les pailles et les assiettes jetables.
Mettre en place un système d’identification et de suivi des engins de pêche afin de prévenir et détecter les pollutions, abandons, pertes et rejets en mer ;
Soutenir l’adoption d’un traité international ambitieux pour lutter contre la pollution plastique
Interdire les activités extractives dans les grands fonds marins et tout forme de financement de ces projets
L’exploitation minière dans les grands fonds marins met sciemment en danger des écosystèmes précieux, fragiles et méconnus et qui pourraient difficilement récupérer leur biodiversité et santé originaires une fois perturbés. Elle représente une menace grave pour le climat en libérant des sédiments marins le carbone qui y est stocké tout en contrevenant aux obligations internationales qui visent à assurer la protection du milieu marin1. L’exploitation minière des fonds marins vise à l’extraction de cobalt, nickel, manganèse et autres minerais utilisés pour fabriquer des dispositifs électroniques. La justification principale repose sur la nécessité de faire évoluer le parc automobile vers une motorisation électrique, qui nécessite aujourd’hui des quantités importantes de ces matières pour la production des batteries des véhicules électriques. Cependant, les batteries de nouvelle génération, qui n’exploitent pas ces métaux, occupent une part de plus en plus importante du marché, rendant ainsi l’exploitation minière en eaux profondes superflue d’un point de vue économique et technologique2.
Deep sea conservation coalition (2022) : Deep-sea mining: factsheet 2. Deep-sea mining: the science and potential impacts ↩
Blue Climate Initiative (2023) : Next Generation EV Batteries Eliminate the Need for Deep Sea Mining ↩
Protéger les écosystèmes de l’Arctique et de l’Antarctique en y interdisant toute activité économique
Bien qu’ils soient encore parmi les régions les moins anthropisées de la planète, les pôles attisent la convoitise de ceux qui y voient une source de ressources naturelles encore largement inexploitée. Mais les pôles sont surtout les habitats parmi les plus menacés par le changement climatique1. Les régions polaires sont en ébullition : au cours des deux dernières décennies, elles ont connu un réchauffement moyen plus de deux fois supérieur à celui du reste de la planète, et les eaux de l’Antarctique ont contribué à elles seules à environ 40 % de l’accumulation de chaleur des masses océaniques depuis 1970. Ces augmentations de température, combinées à l’acidification de l’eau, perturbent l’équilibre des écosystèmes à la fois au-dessus et au-dessous de la surface des océans, menacent la survie des populations locales et constituent une menace plus large pour l’ensemble de la biosphère. La fonte des glaces et la libération des immenses quantités de méthane piégées dans le permafrost en réchauffement, ne sont que quelques-unes des menaces. Préserver les régions polaires, c’est protéger notre futur et l’habitabilité de la planète entière.
Protéger les espèces menacées et favoriser la restauration des écosystèmes pour inverser le déclin de la biodiversité
La vie marine est soumise à une extermination de masse. Les dernières mises à jour de la liste rouge de l’UICN confirment l’effondrement des espèces marines et le rôle prépondérant des activités humaines dans leur disparition. Plus d’un tiers des espèces de mammifères marins, 44% des coraux et autant d’amphibiens sont menacés d’extinction1. Certaines zones géographiques hébergent une biodiversité en état critique : dans l’Atlantique Nord, 90% des espèces marines de prédateurs ont été éradiquées depuis 1900 en raison de la surexploitation, atteignant 99,2% pour les poissons de plus de 16kg2.
La pêche industrielle est reconnue comme la principale cause historique du déclin de la biodiversité marine sur les cinquante dernières années3. La surexploitation qu’elle génère représente une menace grave pour l’équilibre des écosystèmes, qui sont d’ores et déjà fragilisés et ne pourront faire face au dérèglement climatique. Cet équilibre précaire est pourtant vital : les écosystèmes sains permettent une régulation naturelle des espèces dites « nuisibles » et des maladies, favorisent le fonctionnement des réseaux alimentaires, captent du carbone, atténuent les impacts des catastrophes climatiques. Face à ce constat, le cadre mondial pour la biodiversité, établi lors de la COP15 à Montréal en 20224, s’est fixé comme objectif d’arrêter voire d’inverser le déclin de la biodiversité. Le respect de cette ambition nécessite une augmentation drastique de la protection des espèces et la définition de zones de protection sans activités humaines pour permettre la restauration du milieu marin.
UICN Red List of Threatened Species, 2024 ↩
Myers, R., Worm, B. Rapid worldwide depletion of predatory fish communities. Nature 423, 280–283 (2003). ↩
IPBES, 2019, Le rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques ↩
Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, ONU, 2022 ↩
Rethinking sustainability of marine fisheries for a fast-changing planet, Roberts et al., 2024, https://doi.org/10.1038/s44183-024-00078-2 ↩
Encadrer la pêche loisir et le tourisme de masse pour protéger les écosystèmes marins
Le tourisme de masse exerce une pression croissante sur les écosystèmes marins, contribuant à la destruction des habitats côtiers et à la perturbation des équilibres écologiques. La Méditerranée, qui concentre environ 30% du tourisme mondial, subit une dégradation accélérée de ses récifs coralliens, herbiers de posidonies et dunes côtières en raison de l’urbanisation littorale, du mouillage intensif des navires et de la pollution associée aux flux touristiques1. Ces habitats, pourtant essentiels au stockage du carbone, à la protection des littoraux contre l’érosion et la reproduction des populations marines, voient leur surface diminuer à un rythme alarmant. Souvent perçue comme anodine, la pêche de loisir exerce également une pression significative sur les écosystèmes marins : les prélèvements – parfois comparables à ceux réalisés par les professionnels pour certaines espèces - peuvent dépasser le taux de renouvellement des stocks. En Méditerranée, elle représente jusqu’à 50% des captures de certaines espèces côtières, contribuant à la diminution des populations de poissons et au déséquilibre des chaînes alimentaires2.
Contrairement à la pêche professionnelle, elle échappe souvent aux contrôles stricts du fait de l’absence de permis ou même de registre, et s’intensifie dans des zones sensibles comme les récifs coralliens et les herbiers de posidonie, essentiels à la reproduction des espèces marines. L’activité de pêche récréative doit elle aussi être encadrée afin d’assurer le bon état écologique des eaux marines.
Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) ↩
Biological and Ecological Impacts Derived from Recreational Fishing in Mediterranean Coastal Areas, Reviews in Fisheries Science & Aquaculture, 2015. La pêche de loisir dans les Aires Marines Protégées de Méditerranée, MedPan et WWF, 2012 ↩
Augmenter l’exigence de transparence du secteur de la pêche et interdire les produits ne respectant pas un cadre éthique, social et environnemental.
La chaîne de valeur des produits de la mer - de la pêche à la commercialisation - est marquée par un manque criant de transparence. Cette opacité autorise l’entrée sur le marché européen de produits liés à un effondrement de la biodiversité marine et à des violations des droits humains. Les labels et certifications existantes ne garantissent aucunement le respect des normes environnementales : 83% des captures certifiées MSC “pêche durable” sont issus notamment de chaluts de fond, soit des méthodes de pêche les plus destructrices au monde1.
Ce même label ferme les yeux sur les violations des droits humains dans les pêcheries2: il n’inclue que 3 des 16 mesures minimales en matière de droits humains3, certifie des usines de transformations impliquées dans du travail forcé des ouïghours4 et a même reconnu publiquement en 2024 qu’il s’était désengagé de toute allégation relative aux droits de l’homme.5
Sans une traçabilité stricte et des exigences claires en matière d’éthique et de durabilité, des produits néfastes continueront d’alimenter les étals européens, selon un modèle économique où la rentabilité prime sur la durabilité. Un groupe de spécialistes de l’océan a planché sur le concept de durabilité des pêches et a proposé « 11 règles d’or »6 pour réformer en profondeur le secteur de la pêche.
L’imposture du label MSC, BLOOM, 2020 - “la grande pêche industrielle à fort impact représente 83% des volumes certifiés MSC entre 2009 et 2017” ↩
Fisheries Observer Deaths at sea, Human Rights and the Role and Responsibilities of Fisheries Organisations, Humain Right at Sea, 2020 ↩
Human Rights at Sea, “Does it do what it says in the tin?”,2023 ↩
The Outlaw Ocean Project, “China, the superpower of seafood: findings”, 2023 ↩
Seafood source, MSC steps away from fair labour claims to concentrate on environmental mission, 2024 ↩
Rethinking sustainability of marine fisheries for a fast-changing planet, Roberts, C., Béné, C., Bennett, N. et al., npj Ocean Sustain, 2024 ↩
Lutter contre la pêche illégale et veiller à la bonne mise en œuvre des politiques publiques du secteur de la pêche.
La pêche illégale, non déclarée et non règlementée (INN) met en danger les ressources marines, les économies côtières et les droits humains. Selon la FAO, elle représente jusqu’à 26 millions de tonnes de captures par an, soit environ 25% des prises mondiales, et une perte économique considérable1. Les pays du Sud y sont particulièrement vulnérables. Par exemple, en Afrique de l’Ouest, la pêche illégale, pratiquée principalement par des acteurs étrangers, représente une perte économique pouvant atteindre 2,3 milliards de dollars2. Ces pratiques entraînent également des violations des droits humains : conditions de travail abusives, travail forcé, violences et exploitation des équipages sont largement documentés, notamment en Asie et en Afrique de l’Ouest. L’opacité des chaînes d’approvisionnement et le manque de contrôle permettent aux produits issus de ces pêches INN de rentrer sur les marchés internationaux, fragilisant les efforts de conservation et de gestion durable de l’océan.
La pêche illégale concerne également le non-respect des réglementations internationales : malgré l’interdiction européenne du chalutage en eaux profondes, ce sont plus de 150 bateaux qui ont pêché dans les eaux européennes au-delà de 800 mètres entre 2021 et 2023, détruisant des écosystèmes millénaires en toute impunité.
A l’heure actuelle, 79 États ont ratifié l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port (PSMA), le premier accord contraignant à cibler la pêche INN et à empêcher l’entrée sur le marché des produits qui en sont issu. Il reste cependant insuffisant pour traiter ce problème majeur.
FAO, Pêche illicite, non déclarée et non réglementée. https://www.fao.org/iuu-fishing/en/ ↩
https://www.frontiersin.org/journals/marine-science/articles/10.3389/fmars.2017.00050/full?source=post_page ↩
Mettre fin aux violations des droits humains en mer et renforcer le devoir de vigilance des entreprises
Loin du regard des autorités, l’océan est devenu un terrain propice aux violations des droits humains, et ce notamment dans le secteur de la pêche : violences physiques et intimidation, rétention des salaires, heures de travail inhumaines, esclavage moderne, et meurtres ont été largement documentées par plusieurs sources indépendantes1. Ces types d’abus ne se limitent pas à l’étape de la pêche et se retrouvent dans les usines de transformation et conserveries, où les employés, principalement des femmes, sont souvent victimes de violences physiques et sexuels, de sous-paiements et d’esclavage moderne. Dans certaines régions, l’industrie de transformation du poisson (notamment le thon) est entachée par des cas de travail d’enfants2. Ces actes ne sont pas seulement scandaleux, ils constituent également une violation des droits humains en vertu du droit international.
Les violences en mer ne concernent pas seulement les travailleurs de la pêche. L’océan est une large zone de non-droit où les obligations de secours et de protection des vies humaines sont bafouées, notamment par les politiques de fermetures des frontières, alors que le sauvetage en mer est un impératif du droit maritime international3.
La jungle des océans. Crimes impunis, esclavage, ultraviolence, pêche illégale. Ian Urbina, 2019 et The Outlaw ocean project ↩
Violence en boite, Brutalité et violations des droits humains dans l’industrie du thon, BLOOM, 2023 ↩
Sauvez des vies en mer, respectez le droit !, SOS Méditérranée, 2022 ↩